La calligraphie vietnamienne : un art millénaire en constante évolution

La calligraphie vietnamienne, un art millénaire en constante évolution, occupe une place centrale dans la culture du pays depuis des siècles. Cet art ancestral, fusionnant écriture et peinture, reflète l'histoire mouvementée du Vietnam et continue d'évoluer à l'ère moderne. Plongeons dans les origines, l'histoire et les perspectives de cette pratique fascinante.
 
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À l'ère moderne, la calligraphie vietnamienne ne se contente pas de survivre ; elle se réinvente - Source : Internet


Les Origines : L'influence Chinoise

Les racines de la calligraphie vietnamienne remontent à l'époque où le Vietnam était sous domination chinoise, de 111 av. J.-C. à 939 apr. J.-C. Durant cette période, les Vietnamiens adoptèrent les caractères chinois (Hán) pour transcrire leur langue. La calligraphie, déjà très développée en Chine, s'implantera presque naturellement au Vietnam.

Les lettrés vietnamiens apprirent à manier le pinceau avec dextérité, reproduisant les idéogrammes selon les règles strictes de l'art calligraphique chinois. Ils s'entraînaient à tracer les traits dans un ordre précis, en respectant les proportions et l'équilibre des caractères. Cette pratique exigeait patience, concentration et années de pratique.


L’histoire : De l'adaptation à l'innovation

Au fil des siècles, la calligraphie vietnamienne s'est enrichie et diversifiée, reflétant les changements politiques et culturels du pays. Parallèlement à l'utilisation des caractères chinois, les Vietnamiens développèrent leur propre système d'écriture : le Nôm.

L'origine exacte du système d'écriture Nôm reste un sujet de débat parmi les historiens. Selon les légendes populaires, le Nôm aurait été inventé par Sĩ Nhiếp, un mandarin chinois qui gouvernait le district de Giao Chỉ pendant la période de domination chinoise (207 av. J.-C. - 220 apr. J.-C.). Sĩ Nhiếp aurait créé le Nôm pour transcrire les noms propres vietnamiens qui n'avaient pas d'équivalents en chinois.
 
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Styles de calligraphie - Source : Internet



Cependant, la plupart des historiens s'accordent pour dire que le Nôm est apparu plus tard, entre le Xe et le XIVe siècle, alors que le Vietnam commençait à s'affranchir de la domination chinoise. En fait, le système d'écriture Nôm est apparu pour répondre au besoin d'une écriture nationale adaptée à la langue vietnamienne, favorisé par l'influence du bouddhisme et l'inadéquation des caractères chinois. Parallèlement, cette période voit également l'émergence d'une littérature vietnamienne distincte, et le Nôm a été utilisé pour écrire des poèmes, des textes religieux et des documents officiels.
Le Nôm a connu son apogée au XVIe siècle, sous la dynastie Lê. Il était utilisé dans tous les domaines de la vie, de la littérature à l'administration. Cependant, son utilisation a commencé à décliner au XVIIIe siècle, avec l'arrivée des missionnaires catholiques qui ont introduit l'alphabet latin au Vietnam.

L'alphabet latin, connu sous le nom de "quốc ngữ", était plus facile à apprendre et à utiliser que le Nôm, et il est rapidement devenu l'écriture dominante du Vietnam. Aujourd'hui, le Nôm est rarement utilisé. Il est principalement étudié par les spécialistes de la littérature vietnamienne et de la calligraphie. Cependant, le Nôm reste une partie importante de l'histoire et de la culture vietnamiennes, et il continue d'inspirer les artistes et les écrivains vietnamiens modernes.


Thơ lục bát ou le haiku vietnamien

haikuContraitrement au haiku japonais, connu pour sa structure stricte et son absence de rime, le thơ lục bát est plus flexible et intègre souvent des rimes dans ses vers. Chaque strophe est composée de lignes de six et huit syllabes, totalisant quatorze syllabes par strophe. Ce schéma rythmique crée un flux mélodique qui capture l'essence des récits vietnamiens.

Le système d'écriture vietnamien, appelé "chữ Nôm", est basé sur les caractères chinois mais a évolué au fil des siècles pour inclure des caractères uniques à la langue vietnamienne. À l'époque où le script Nôm a été développé pour transcrire le vietnamien, les calligraphes ont commencé à expérimenter des formes plus libres et expressives. C'est dans ce contexte que le haiku vietnamien, ou thơ lục bát dân gian, a pris son essor, permettant aux artistes de s'affranchir des règles strictes de la calligraphie formelle pour explorer de nouvelles avenues créatives.

Alors, qu'est-ce qui distingue le haiku vietnamien ? Pour commencer, il se caractérise par des traits rapides, dynamiques et souvent asymétriques qui donnent une impression de spontanéité et de mouvement. Contrairement à la calligraphie plus formelle, où chaque trait est soigneusement mesuré et équilibré, le haiku vietnamien privilégie l'expression personnelle et l'émotion. Les calligraphes qui pratiquent cet art cherchent à capturer l'esprit et l'essence des mots qu'ils écrivent, plutôt que de se concentrer uniquement sur leur forme. Chaque caractère devient ainsi une œuvre d'art unique, où l'interaction entre l'encre et le papier crée des textures et des nuances distinctes.

De nos jours, le haiku vietnamien continue d'inspirer les artistes contemporains. Il est souvent intégré dans des œuvres d'art modernes, mêlant tradition du haiku et techniques innovantes, comme l'art numérique, les fresques murales et même la performance artistique. Cette écriture cursive reste un symbole puissant de l'identité culturelle vietnamienne, incarnant à la fois la richesse de l'héritage du pays et son dynamisme créatif. En exposant des œuvres de haiku vietnamien dans des galeries et des musées à travers le monde, les artistes contribuent à faire connaître et apprécier cette forme unique de calligraphie.


Mais poursuivons notre voyage dans le temps…

Au 17ème siècle, les missionnaires européens introduisirent l'alphabet latin pour transcrire le vietnamien, donnant naissance au Quốc Ngữ. Officialisée en 1918, cette nouvelle écriture révolutionna la pratique de la calligraphie. Les calligraphes durent adapter leur art à ce nouveau système, mêlant techniques traditionnelles et alphabet moderne.


De nos jours : Entre tradition et modernité

La calligraphie vietnamienne moderne : Un art en mutation

À l'ère moderne, la calligraphie vietnamienne ne se contente pas de survivre ; elle se réinvente. Les artistes contemporains explorent de nouvelles techniques et intègrent des influences internationales tout en restant fidèles aux traditions ancestrales. L'utilisation des outils numériques et des nouveaux matériaux permet de repousser les limites de cet art ancien. Les artistes contemporains ne se contentent plus de l'encre et du papier ; ils expérimentent avec des supports variés, des installations interactives aux projections lumineuses. Cette fusion entre le traditionnel et le moderne crée des œuvres qui sont à la fois respectueuses du passé et résolument tournées vers l'avenir.
 
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Les calligraphies sont tres demandees pendant les fetes du Noouvel An lunaire - Source : Internet


Les expositions de calligraphie vietnamienne attirent un public de plus en plus large, tant au niveau national qu'international. Les œuvres contemporaines, tout en respectant les principes de base de la calligraphie, se distinguent par leur originalité et leur créativité. Les artistes modernes n'hésitent pas à fusionner la calligraphie avec d'autres formes d'art, comme la peinture, la sculpture ou même la performance. Imaginez une performance où un calligraphe crée une œuvre en direct, chaque trait de pinceau accompagné de musique et de danse, transformant l'acte de création en un spectacle envoûtant.
Prenons l'exemple de l'artiste Trần Quốc Ân, un artiste et calligraphe vietnamien connu pour la création de livres et d'œuvres d'art aux dimensions hors normes (notamment son livre écrit au pinceau de 54 kg). Né en 1961 à Nha Trang, il se distingue par ses talents de calligraphe et de peintre à travers ses livres de poésie. Trần Quốc Ẩn dirige le Club de Calligraphie et de Peinture à Nha Trang

Un autre exemple est celui de Trịnh Tuấn, connu pour mélanger la calligraphie traditionnelle avec des éléments modernes. Melant souvent des symboles et des motifs vietnamiens traditionnels dans ses œuvres, son travail demontre sa créativité et son innovation dans l'art de la calligraphie.

On peut encore citer Nguyễn Quang Thắng, reconnu pour sa maîtrise de différents styles de calligraphie, y compris les caractères chinois et le chữ nôm. Son travail met souvent l'accent sur la préservation et la promotion de la culture traditionnelle vietnamienne. Il est également impliqué dans l'enseignement et la transmission de l'art de la calligraphie aux jeunes générations.

La calligraphie vietnamienne moderne est également influencée par les mouvements artistiques internationaux. Les artistes s'inspirent du minimalisme japonais, de l'expressionnisme abstrait occidental et même de l'art numérique pour créer des œuvres qui transcendent les frontières culturelles. Cette ouverture aux influences extérieures enrichit l'art de la calligraphie, le rendant plus dynamique et pertinent dans le monde d'aujourd'hui.
 
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Le Maitre de calligraphie - Source : Internet


Le mot de la fin : Un héritage vivant

La calligraphie vietnamienne, avec ses racines profondes et ses branches en constante évolution, continue de fasciner et d'inspirer. Cet art millénaire, témoin de l'histoire et de la culture du Vietnam, s'adapte et se réinvente à chaque génération. Que ce soit à travers les œuvres des anciens maîtres ou les créations audacieuses des artistes contemporains, la calligraphie vietnamienne demeure un héritage vivant, vibrant et en perpétuelle mutation : que ce soit sous sa forme traditionnelle ou dans ses expressions les plus contemporaines, cet art millénaire a encore de beaux jours devant lui.
 
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