Introduction
“Je pars de Luang Prabang pour Vientiane ; tu me rejoins ?” A peine le message reçu que je réservais un avion pour Vientiane, impatient que j’étais de quitter le brouhaha incessant de Hanoi. Mon pote le savait : je mourrais d’envie de découvrir le Laos, il venait de m’offrir une occasion unique de réaliser mon rêve ! Voici donc mon carnet de voyage à Vientiane, capitale du Laos…
Jeunes moines devant un temple - Vientiane - Photo : Mr Linh's adventure
Il était une fois…
Il faut un peu plus d’une heure de vol pour rallier Vientiane depuis Hanoi. Le temps tout juste nécessaire pour survoler (sans mauvais jeu de mot) l’histoire de la capitale du Royaume du Million d’Eléphants.
La longue et riche histoire de Vientiane remonte au 1er siècle avant J.-C. Dans les premiers siècles de notre ère, les Chams, originaires d'un royaume hindouiste du centre du Vietnam, occupent le Sud du pays. D’ailleurs, ce sont eux qui donneront leur nom à Champassak (les Chams de Bassak). Vers l'an 900, les Khmers les écraseront, leur territoire s'étendant deux siècles plus tard jusqu'à la région de Vientiane.
Les Chams et les Khmers étaient influencés par la culture indienne et étaient donc ouverts à la diffusion du bouddhisme dans la péninsule indochinoise à partir du 7ème siècle. À partir du X11e siècle, les tribus Tai, déplacées par les Mongols, infiltrent la région et se convertissent progressivement au bouddhisme. Elles occuperont le Laos et la région du sud-est de la Thaïlande.
Le Royaume du Million d’Eléphants
Au 14eme siècle, le roi Fa Ngum établi le royaume de Lane Xang Om Khao, qui sera le premier royaume lao, le Royaume du Million d’Eléphants. Descendant du légendaire roi Khun Bourom, Fa Ngum était un unificateur et, à son apogée, le royaume s'étendait jusqu'au nord de la Thaïlande et au nord-ouest du Vietnam.. Mais, en 1373, il est remplacé par son fils Unhean.
Courant du 16eme siècle, le roi Setthathirat déplace la capitale du royaume de Luang Prabang à Vientiane pour prendre ses distances avec la menace birmane.
Nous sommes maintenant au 17eme siècle, qui voit le roi Souligna Vongsa rétablir l'unité du pays et le royaume prospérer à nouveau. Ces année-là, les premiers récits occidentaux parlent de l'âge d'or du royaume lao, tandis que des moines du Cambodge et du Siam viennent étudier à That Luang et y recevoir leurs diplômes.
Conflits et déchéance
Au début du 18ème siècle, suite au décès du roi Souligna Vongsa qui n'avait pas d'héritier, des conflits sont apparus au sujet de la succession. Cela a conduit à la division du royaume en trois entités distinctes : le royaume de Luang Prabang au nord, le royaume de Vientiane au centre et le royaume de Champassak au sud. Fin 18eme, les Siamois prennent le contrôle des royaumes de Luang Prabang et de Champassak, ainsi que du Ph’ra Keo, le Bouddha d’émeraude, qui se trouve aujourd’hui à Bangkok. Et puis, en 1826, le roi Anouvong, qui avait été placé sur le trône par les Siamois et s’était allié à eux dans leurs guerres contre les Birmans, se rebelle. Son armée est vaincue à deux reprises lors de son entrée au Siam, et en 1827, Vientiane, la capitale du royaume est pillée et ses habitants déportés sur l’autre rive du Mékong. Seul le Vat Sisakhet, qu’Anouvong avait construit, est resté indemne, et le dernier roi de Vientiane meurt prisonnier dans une cage de fer à Bangkok en 1835.
Les Français au Laos
En 1800, les Français prennent le contrôle du Vietnam, du Cambodge et du Laos et les rassemblent dans l'Indochine française. En 1861, Henri Mouhot part pour Luang Prabang en tant qu'explorateur, tandis qu'en 1867, Doudart de Lagrée traverse le Mékong pour atteindre l'ancienne capitale du royaume du million d'éléphants. À la fin du 19e siècle, les navires de guerre français bloquent Bangkok, empêchant les prétentions siamoises. Auguste Pavie, nommé vice-consul de France au Laos, arrive à Luang Prabang alors que les Pavillons Noirs prennent le contrôle de la ville. La bande de pillards chinois recule devant les troupes du roi Oun Kham.
La diplomatie d'Auguste Pavie aura un impact significatif sur la création du protectorat français au Laos et sa reconnaissance par le Siam en 1893. En 1904, le Siam transfère les terres situées sur la rive droite du Mékong (qui est maintenant la province de Sayabouly) au royaume de Luang Prabang. L'aristocratie lao sera disposée à accepter la présence française ; n'a-t-elle pas réussi à empêché l'annexion du Siam? De plus, les Français ne contestent pas la présence du roi dans son palais de Luang Prabang. Cependant, les autorités coloniales devront faire face à quelques rébellions.
Vientiane a connu une période de rénovation pendant la période du protectorat français, avec la construction de maisons et de bâtiments administratifs de style colonial. Cependant, les Français n’ont maintenu qu’une faible priorité à cette question en Indochine, comme en témoignent le modeste programme de construction et la nomination de nombreux administrateurs… vietnamiens.
En mars 1945, un coup d'État violent est commis par les Japonais pour prendre le contrôle de l'Indochine. De nombreux officiers et soldats français seront exécutés ou déportés. Mais au Laos, la population locale demeure fidèle à son roi, Sisavang Vong, et aide les Français à se battre contre les forces japonaises. Mais inexorablement, le royaume lao, qui était autrefois grandiose, a continué à se décomposer, à être fragmenté et à être pillé tout au long du 19e siècle et, en particulier, dans les décennies qui ont suivi le départ des Français. Les royaumes laotiens, affaiblis par rapport à leurs voisins siamois ou vietnamiens, eux-mêmes en conflit permanent, deviennent la cible de toutes les convoitises.
Tuk-tuk, parfait pour se déplacer dans Vientiane - Photo : Mr Linh's adventure
Le Laos moderne
En 1964, les États-Unis entrent dans ce qu’ils appelleront la guerre au Vietnam. Ils cherchent à couper la piste Hô Chi Minh, le réseau des routes et sentiers de la cordillère annamitique, pour contrer les maquis communistes qui reçoivent une aide massive du Nord Vietnam. Entre 1964 et 1974, se déroule alors « la guerre secrète » et l'opération Rolling Thunder entre 1964 et 1969.
Alors qu'il n'est pas officiellement en guerre, le Laos est touché toutes les 8 minutes par un bombardier lourd. En comparant le nombre de bombes reçues par rapport au nombre d'habitants, le Laos établit le triste record du pays le plus bombardé de toute l'histoire. Pendant la seconde guerre mondiale, les Américains ont déversé plus de 3 millions de tonnes de bombes sur le Laos, plus que l'Allemagne et le Japon réunis. Les bombardements massifs sont accompagnés d'un largage d'herbicides aux conséquences dramatiques. En appuyant massivement le gouvernement royal, les Américains obtiennent la création de bases de la CIA qui recrute des mercenaires parmi les minorités montagnardes, notamment les Hmongs.
Alors que je lisais ces quelques lignes, je ne savais pas que j’allais plonger dans l’horreur de cette Guerre Secrète, en visitant le centre COPE.
Les accords de Paris en février 1973 prévoient un cessez-le-feu précaire au Sud Vietnam, tandis que les accords de Vientiane décident un cessez-le-feu au Laos, le retrait de toutes les troupes étrangères, la dissolution des "forces spéciales" et la constitution d'un gouvernement d'union nationale à partir de 1974. La population qui aspire à la réconciliation accueille favorablement l'accord. Le conflit a tué environ 350 000 personnes, soit un dixième de la population, et entraîné autant de réfugiés.
Le Laos communiste
En 1975, sous la direction de Kaysone Phomvihane, qui était le chef du Parti Révolutionnaire du Peuple Lao depuis les années 50, les communistes prennent le pouvoir. Ils rejettent toutes les autres tendances. Le Laos devient RDP Lao après la fin de la monarchie.
Un communisme marxiste est appliqué rigidement à la politique et à l'économie. Après avoir constaté son échec, le congrès du parti an introduira "le nouveau mécanisme économique" en 1986, avec l'appui et la pression du FMI et de la Banque mondiale, avec lesquels ils ont signé des accords d'assistance en 1989.
La fin du communisme en URSS a complètement éliminé la nécessité d'appartenir au bloc communiste, cependant le Laos demeurera un régime à parti unique dont les dirigeants ont connu ce qu'ils qualifient de « la guerre de 30 ans, de 1945 à 1975 ».
Pour terminer ce survol de l’histoire du Laos, il faut dire que ces dernières années ont vu une recrudescence de la construction, de l'amélioration des routes et du trafic, en grande partie financée par la Chine. Il est probable que ce pays continuera à avoir une influence significative sur l'avenir de Vientiane et du pays dans son ensemble.
Vientiane, ou la nonchalance paisible
Bien entendu, j’en avais entendu parle, je l’avais lu… Mais ce jour-là, j’ai pu constater par moi-même combien Vientiane est une sorte de grand village, baignant dans une atmosphère de sous-préfecture détendue et paisible. Ajoutez a cela un mélange éclectique d’établissements coloniaux, d’anciens temples étincelants, de maisons traditionnelles chinoises et laotiennes et vous aurez une idée du décor de cette ville envoutante alanguie sur la rive gauche du Mékong. Devant rejoindre mon ami pour des raisons de business, je n’ai eu le temps que de m’émerveiller devant les sites les plus emblématiques de la cité fondée par un naga. Oui, j’allais oublier de vous en parler… Saviez-vous que Vientiane est née sous l’impulsion du légendaire et mythique serpent a plusieurs tètes ? Celui-ci vivait dans les eaux du majestueux fleuve Mékong et il advint qu’il a aidé un roi à vaincre ses ennemis. En récompense de quoi, le roi lui offrit sa fille en mariage. Le naga et la princesse eurent un fils qui fonda la ville de Vientiane, dont le nom signifie "ville du santal".
Somptueux That Luang, Vientiane - Photo : Mr Linh's adventure
Il était une fois, au cœur de Vientiane, trois lieux magiques qui capturent le cœur de tous ceux qui les visitent…
Le That Luang
Le premier est le temple de That Luang, qui, avec son stupa d'or s'élevant jusqu'aux cieux, domine la ville. Un sentiment de calme et de sérénité nous envahit lorsqu'on y pénètre et nous transporte dans un monde de paix et de tranquillité.
C’est le monument le plus sacré de tout le pays - il est censé contenir un cheveu de Bouddha - dont le nom signifie « stûpa suprême »..En 1566, le roi Setthathirath a transféré Vientiane en tant que capitale du royaume de Lan Xang, ce qui a conduit à la construction du That Luang. Mais il se dit aussi que naguère, un monarque influent répétait le même rêve d'un vieil homme qui lui demandait de construire un stupa pour abriter une relique de Bouddha. De nombreuses nuits, le roi a ignoré ce rêve jusqu'à accepter l'injonction du vieillard mystérieux de son rêve. Ainsi, il a donné l'ordre de construire le That Luang, qui est devenu un site important pour les pèlerins et un symbole de la prospérité du Laos. Je vous laisse choisir l’option que vous fait le plus rêver… Plus prosaïquement, cet édifice est une fierté nationale, au point de figurer sur les armoiries du Laos et ses billets de banque.
Bon à savoir :
Situé en centre-viille, le That Luang est ouvert de 8h à 18h. Il en coute 200 000 kips pour le visiter.
- • Le That Luang est un lieu sacré, veuillez donc vous habiller modestement.
- • Il est interdit de toucher le stupa.
- • Vous pouvez prendre des photos du That Luang, mais il est interdit de photographier les moines.
- • Le meilleur moment pour visiter le That Luang est tôt le matin ou tard le soir, lorsqu'il y a moins de monde (on peut s’y rendre facilement en tuk-tuk).
Le Patuxay (détail) - Photo : Mr Linh's adventure
Le Patuxay
Le deuxième des lieux magiques est le Patuxay, connu aussi sous le nom de "Tombe des Braves". Signifiant littéralement « Porte de la Victoire », il s'agit d'un imposant mais élégant mémorial aux soldats morts pour le Laos pendant la guerre d’Indochine. Son architecture n’est pas sans rappeler un certain Arc de Triomphe parisien…
Je me suis lancé dans l’ascension des 197 marches (oui, je les ai comptées !) qui mènent à la terrasse de la tour centrale. La vue à 360 degrés sur la ville fait office de récompense pour cet effort partagé par de nombreux touristes, venus eux aussi admirer la perspective de l'avenue Lan Xang qui conduit au palais présidentiel et au fleuve Mékong.
Le Wat Sisaket (et les autres)
Enfin, le troisième site magique de Vientiane a pour nom Wat Sisaket, le plus vieux temple de la ville.
Connu pour ses nombreuses sculptures et peintures murale, ce temple entouré de mystère et de légende, aurait été construit par un roi vainqueur d’un roi khmer. Son architecture unique, aux nombreuses cellules remplies de petites statues de Bouddha (on en aurait recense 2 000), abrite également une collection de contes et de légendes laotiennes.
Je suis également allé au Vat Simuang, qui est vénéré par les habitants car il abrite le pilier carré fondateur de la ville. Selon la légende, le Vat Simuang a été construit sur le site d'un ancien sanctuaire hindou au 16ème siècle par le roi Setthathirath. Il est rapporté que le roi a ordonné la construction du temple dans le but d'apaiser les esprits qui hantaient la région. Il est également rapporté qu'une jeune femme nommée Si Muang s’est sacrifiée en se jetant dans les fondations du temple, pensant que cela calmerait les esprits et garantirait la prospérité du temple. Quoi qu’il en soit, la tombe du père d’un de mes amis se trouve juste derrière, après les stèles. Ce qui fait de ce lieu un endroit très particulier pour moi…
Vat Phra Keo - Vientiane - Photo : Mr Linh's adventure
Enfin, je voudrais parler du Vat Phra Keo Autrefois, ce temple respecté accueillait la relique sacrée du Bouddha d'Emeraude – en fait, en jade vert. Un roi laotien aurait ramené cette statue à Vientiane après l'avoir trouvée dans un temple khmer. Le Bouddha d'émeraude est considéré comme un symbole de la prospérité et de la protection divines pour le Laos. Toutefois... Le Bouddha en émeraude n'est plus à Vientiane. Il a été emporté à Bangkok en 1779 par les Siamois après leur victoire sur le Laos. Actuellement, il se trouve au Wat Phra Kaew, dans l’enceinte du Grand Palais de Bangkok, en Thaïlande. Mais Wat Phra Keo est toujours un lieu de visite important, avec de fascinantes représentations de Boudddha et d'autres objets d'art religieux, ce qui permet un aperçu unique de l’histoire et de la culture du Laos.
Ces trois lieux magiques ont littéralement capturé mon cœur, et je sais maintenant que je n’oublierai jamais la ville enchanteresse de Vientiane.
Bon à savoir :
Le Wat Sisaket est situé rue Lane Xang et il est ouvert de 8h30 à 12h et de 13h à 16h. Prix d’entrée : 20 000 Kips. Pensez a porter une tenue correcte et respectueuses (épaules et genoux couverts)
Vous trouverez le Wat Phra Keo dans la rue Thanon Luang. Se vite entre 8h et 12h et de 13h à 16h. Le ticket s’élève à 30 000 kips et bien entendu, le code vestimentaire est celui indiqué pour la visite des lieux sacrés (épaules et genoux couverts)
Le COPE visitor centre
Fondée en 1997, la coopérative locale COPE fabrique et distribue des appareillages et prothèses pour les victimes des UXO (les munitions non explosées durant la guerre secrète menée par la CIA durant la guerre du Vietnam). Elle vise également à sensibiliser le public au drame de ces munitions.
Vous trouverez la “Cooperative Orthotic and Prosthetic Enterprise” sur Khouvieng Road. Le Centre est ouvert tous les jours de 8h30 à 16h00.
Centre COPE, Vientiane - Photo : Mr Linh's adventure
Quelques infos pratiques sur Vientiane
La meilleure saison pour profiter des charmes de la capitale du Laos
Mon (trop court) séjour à Vientiane s’est déroule pendant la saison sèche (entre novembre et avril), c’est cette période que je recommande, pour son ciel bleu et ses températures agréables (les frileux comme moi apprécieront…). De mai à octobre, c’est la saison humide, avec ses pluies tropicales et sa nature luisante et verdoyante. A cette période, ce sont les prix qui sont doux, ce qui me semble parfait pour les budgets serres.
Où dormir à Vientiane
Ce n’est pas l’offre hôtelière qui manque… Trois points de repère pour choisir votre prochain nid douillet :
- • Le centre-ville : à privilégier si vous souhaitez un hébergement dans des hôtels touristiques ou chics et si vous aimez fréquenter les bars animés
- • Le quartier de Sisattanak aura votre préférence si vous recherchez une ambiance locale authentique, des guesthouses économiques et des restaurants servant une cuisine familiale
- • Quant aux rives du Mékong, elles sont parfaites pour profiter d’un cadre paisible et plutôt luxueux, avec vue magique sur le fleuve
Délicieuse cuisine du Laos ! Photo : Mr Linh's adventure
La cuisine laotienne
Vous pouvez vous référer à l’article déjà mentionné au tout début de ce carnet de voyage à Vientiane. J’ajouterai ici mes propres préférences :
- • Khao piak sen, le plat national qui s’invite partout et à toute heure, composé d’une soupe de nouilles de riz au poulet.
- • Tam mak houng, la classique salade de papaye verte épicée et rafraîchissante (à déguster idéalement au Morning Market)
- • Xiang Khouang, la pause gourmande par excellence : imaginez de fines crêpes croustillantes garnies de légumes et de viande…
Se déplacer dans Vientiane
- • Tuk-tuk : l'option pratique et économique pour explorer la ville.
- • Vélo : idéal pour se balader à son rythme et découvrir les charmes cachés de Vientiane.
- • Taxi : solution confortable pour les longs trajets ou les courses nocturnes.
- • Marche à pied : le centre-ville est compact et facile à découvrir à pied.
Le mot de la fin
Vientiane est une ville où l'on prend le temps de vivre et qui réserve des expériences authentiques et intenses. Entre temples, gastronomie et rencontres, dans une atmosphère paisible, Vientiane séduit tout en douceur