Née d’un métissage complexe, la cuisine du Vietnam est considérée comme une des meilleures au monde.
Raffinée ou rustique, étonnante et dépaysante, simple ou sophistiquée, la gastronomie vietnamienne est un voyage dans le voyage !
Si tous les sens sont ici sollicités, c’est pour mieux non seulement nourrir le corps, mais également l’esprit. Obéissant aux règles subtiles de la philosophie asiatique, la cuisine du Vietnam se veut bonne pour le corps et pour l’esprit, rejoignant ainsi l’idéal antique d’un esprit sain dans un corps sain.
La cuisine vietnamienne, une des meilleures au monde © Mr Linh's adventures
La cuisine vietnamienne, les bases spirituelles
Bien avant l’accouchement un peu tardif du concept occidental d’alicament – un aliment peut être vu comme un médicament – la
cuisine du Vietnam fait partie d’un grand tout, participant à l’équilibre des énergies présentes en tout, obéissant aux règles du yin et du yang. Si Le yin est associé notamment au « féminin » et à la fraîcheur, le yang au « masculin » et à la chaleur, en cuisine on veillera à ce que chaque plat préserve l’équilibre entre l'un et l'autre. Par exemple, si une recette est à base de fruits de mer (yin), on y ajoutera du gingembre (yang) pour relever le goût et équilibrer les énergies subtiles.
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Les delices de la cuisine vietnamienne
© Mr Linh's Adventures |
Nous verrons plus tard que la gastronomie du Pays du Dragon est née d’un fabuleux métissage aux influences chinoises fortement marquées. Mais disons d’emblée que dans les saveurs et dans certaines techniques de cuisson, mais avant tout, dans la dimension symbolique, spirituelle de la cuisine, la Chine a infusé dans les plats un ésotérisme très confucéen. Il en va ainsi de l’importance du chiffre 5 dans la culture du Pays au deux Deltas, y compris dans sa cuisine. Pour faire court, disons que le bouddhisme y voit les 5 Misères, les 5 abstentions ou encore les 5 Voies de la Transmigration. D’autres associent le 5 aux 5 éléments du Cosmos et, pour revenir à la cuisine, aux 5 saveurs (Ngu vi, en vietnamien), qui sont : acide, piquant, amer, salé et sucré. De plus, lors d’un voyage au Vietnam, vous serez probablement amené à gouter au riz aux 5 couleurs, un plat typique des régions montagneuses du Nord du Pays. Et enfin, sachez que le chiffre 5 se retrouve même dans la banale sauce nuoc mam et ses 5 saveurs : le salé avec le jus de poisson, l’amer apporté par le zeste de citron, l’acide est donné par le jus de citron, quant au piquant, on le doit au piment et le sucré au sucre en poudre. Plein d’autres recettes se basent sur le 5, de la plus simple à la plus raffinée.
Cuisine traditionnelle Nord-Vietnam © Mr Linh's adventures
La cuisine du Vietnam, les trois régions
S’adossant à la péninsule indochinoise, le Vietnam est un pays longiligne, qui se caractérise par trois régions distinctes aussi bien sur le plan géographique, que météo ou bien ethnique et bien entendu sur le plan culinaire également.
Réputée de très longue date, la cuisine du Nord est une savoureuse escapade au cœur d’une tradition culinaire qui sait remarquablement associer créativité et savoir-faire, recherche et rusticité, saveur, textures et couleurs. En témoignent le célébrissime Pho, le Bun Cha ou bien encore le Cha Ca. Le Centre propose des plats plutôt épicés, très marques par la sophistication de la cour impériale. Audacité, voire impertinence (le fameux café salé est né dans une ruelle de l’ancienne cité impériale), côtoient une surprenante diversité de mets végétariens et de plats signatures comme Bun Bo Hue, Mi Quang ou encore Cao Lau, ces deux derniers typiques de Hoi An. Quant à la cuisine du Sud, si elle est simple, elle est généreuse, voire opulente, d’une rare diversité. Souvent sucrée, elle est sous la double influence de la cuisine chinoise et thaïlandaise, avec quelques emprunts au Cambodge voisin. L’autre caractéristique de la cuisine du Sud est l’emploi massif de l’eau de coco qui donne sa saveur particulière et un peu grasse aux currys, porridges et autres poissons-chats.
Mr Linh's Restaurant
La culture culinaire du Vietnam, une histoire de métissages
Comme on peut s’en douter, la
cuisine vietnamienne n’est pas qu’une compilation de recettes plus ou moins exotiques (chacune des 54 ethnies composant le peuple vietnamien a sa propre spécialité…), elle reflète également les influences historiques, culturelles, politiques, voire spirituelles, des époques traversées. Entre histoire mouvementée et géographie aux contrastes forts, la cuisine du Vietnam est non seulement un livre de cuisine mais aussi d’histoire. Ainsi, le Nord a vu, après pratiquement 1 000 ans de domination chinoise, naitre le premier Etat proprement vietnamien. Pour autant, ce sont les Chinois qui apporteront les baguettes, certaines recettes et ingrédients (en particulier les sautés et les soupes de nouilles), ainsi que certaines techniques de cuisson (coucou le wok !). S’affranchissant de l’Empire du Milieu, le Vietnam se dirigera plus au Sud, annexant les terres d’un empire du Champa sur le déclin. Comme cela ne s’est pas fait en un jour, le Vietnam a eu le temps d’intégrer dans ses recettes des éléments de la cuisine Cham, aux influences indiennes et tournée vers la mer. Ce qui explique le gout des habitants du Centre – et en particulier ceux de Hue - pour les produits de la mer, par rapport à ceux du Nord ou du Sud. Et puis, il ne faut pas oublier qu’au 17eme, Hoi An était un comptoir maritime florissant, qui voyait passer safran et cannelle, deux autres marqueurs d’une cuisine qui s’imbibe des saveurs d’ailleurs.
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Coin cuisine traditionnel © Mr Linh's Adventures |
En parlant de Hue, sous la dynastie des Nguyen, la cuisine suit les codes particulièrement rigides du confucianisme d’Etat, où comportement et étiquette ont autant de valeur – sinon plus – que saveurs et aromes.
Quant au Sud, les terres alanguies du Delta du Mékong verront s’installer une ribambelle d’aventuriers, dont certains à la créativité culinaire débordante et très imaginative. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le Delta du Sud se dise Mien Tay, en vietnamien, ce qui signifie Far West.
Et enfin, comment ne pas citer l’influence française dans la
cuisine vietnamienne ! La colonisation française, qui a commencé avec l’arrivée de missionnaires au 18ème siècle et ne s’est terminée qu’en 1954, a eu un effet durable sur le pays, les gens, l’architecture, la terre et les saveurs. Certains ingrédients, certaines recettes, typiquement d’origine française, font aujourd’hui partie du
paysage gastronomique du Vietnam. Il faut dire que les colons se sont vu rapidement manquer de leurs produits de prédilection et ont donc commencé à importer au Vietnam (mais aussi dans toute l’Indochine française), pommes de terres, oignons, carottes, asperges et autres brocolis. Sans parler de l’inénarrable Vache qui Rit et bien entendu la baguette, dont le délicieusement célèbre Banh Mi rend aujourd’hui un hommage haut en saveurs. C’est aussi aux colons français que l’on doit l’importation de viande de bœuf. Avant, on ne connaissant que le poulet, le porc, la chêvre ou encore le buffle. Cette viande est aujourd’hui dans le bol de Pho ou encore dans le Bo Kho, un ragout finalement assez proche du bœuf bourguignon, sans oublier le Bo Luc Lac, qu’on retrouvera jusque sur les tables du Cambodge. Autre apport des colons français, le café et la bière, deux boissons devenues de nos jour des institutions et un des traits culturels du Pays en forme de S.
Si cet article vous a mis en appétit, avec le prochain, nous irons en cuisine découvrir la
cuisine vietnamienne selon ses trois grandes r
egions..